« L’enterrement du militant », le regard de Bernard Bienvenu

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- Bernard Bienvenu paysage

Par La Voix de l'Ain

Dans son éditorial, Bernard Bienvenu revient sur la Primaire du Parti socialiste et considère que ce mode de désignation prive les militants d'une de leurs principales prérogatives.

Il y avait beaucoup de monde dimanche dernier, à l’enterrement… du militant politique ! Trois millions de participants à la cérémonie, primaire de gauche, c’est là un beau succès populaire dont le parti socialiste peut se réjouir, autant pour la qualité de l’organisation que pour l’audience médiatique dont il a profité.

Mais cette belle célébration a fait au moins une victime, un mort dont hélas personne ne parle : le militant de base, dévalorisé, marginalisé, enseveli sous le flot des sympathisants ! À quoi cela lui sert-il de payer sa cotisation au parti, de participer à des réunions interminables, de débattre d’un programme de gouvernement, de consacrer de son temps à des tâches subalternes, bref de militer si ce sont désormais M. et Mme Michu qui partagent sans engagement aucun de leur part, la prérogative essentielle jusqu’ici réservée aux seuls militants : désigner le candidat aux élections présidentielles ?

Autant renvoyer sa carte, rester le soir devant sa télé en attendant les prochaines primaires. Comme si le véritable « espace démocratique » n’était plus le scrutin officiel mais cet ersatz de choix national qui sert de répétition générale à l’heureux candidat élu qui s’y voit déjà. Ce n’est pas le succès des primaires mais le taux de participation aux scrutins d’avril et mai prochains qui dira si les Français croient encore à la politique. En attendant, oui, le militant fidèle à ses idées et pétri de culture politique vient de se voir disqualifié dans la liesse populaire par le sympathisant d’un jour. Et tant pis pour ceux qui croyaient jusqu’ici que c’était le (la) chef du parti, démocratiquement choisi par les militants, qui devait porter le maillot devant les électeurs ! Imagine-t-on François Mitterrand se soumettre à des primaires en 1980 ? C’est Michel Rocard qui aurait alors été désigné. Mais il est vrai aussi que notre époque manque cruellement de leaders charismatiques ! Et revoilà la première secrétaire du parti socialiste qui vient d’essuyer une défaite cinglante et qui reprend son poste comme si rien ne s’était passé ! Comment n’est-elle pas conduite à en tirer toutes les conséquences ?

Les primaires ouvertes à tous les vents apportent la preuve que les partis sont dévitalisés, que la démocratie représentative et les institutions sont rongées par le doute. Que dire de l’avenir d’une démocratie où tous les échelons intermédiaires s’effacent peu à peu et qui sera de plus en plus soumise aux aléas de l’émotion médiatique ? C’est désormais le temps de « la démocratie participative » chère à Arnaud Montebourg, lequel est au fond le grand vainqueur de ces primaires. C’est lui qui a imposé au Parti socialiste ce mode de désignation du candidat. Il a si bien réussi son coup que l’UMP veut à son tour l’adopter, pour faire moderne bien sûr ! C’est lui, le député et Président du Conseil général de Saône-et-Loire, qui a introduit dans le débat son fameux thème de la « démondialisation » qu’il va désormais resservir tout chaud au candidat Hollande. Sans le savoir, nous sommes déjà en VIe République… Bien joué camarade !

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