« Triple X », le regard de Bernard Bienvenu

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Bernard Bienvenu est président du directoire de HCR, directeur de publication de Voix de l'Ain. - Bernard Bienvenu

Par La Voix de l'Ain

"Comment exprimer son écœurement devant le nouvel épisode de l’affaire DSK que l’on vient de subir, sans participer à l’emballement médiatique dont l’opinion est finalement l’instrument ?", s'interroge Bernard Bienvenu, éditorialiste.

Comment exprimer son écœurement devant le nouvel épisode de l’affaire DSK que l’on vient de subir, sans participer à l’emballement médiatique dont l’opinion est finalement l’instrument ? Peut-être en dénonçant, le mot n’est pas trop fort, un triple manquement dans la façon dont le système a surjoué l’opération « retour de l’ex directeur du FMI ».

Le manquement de Dominique Strauss-Kahn tout d’abord. Confondant abandon des poursuites et innocentement, DSK très bien conseillé, a géré sa réapparition en France tel Bacchus, un des dieux romains revenant des enfers. La meute des journalistes qui l’attendait au début du mois à sa descente d’avion, comme cette opération de communication de dimanche dernier à la télévision, rien n’a été laissé au hasard. Pas même les mots qui étaient ceux-là mêmes déjà utilisés par Bill Clinton en 1998 pour reconnaître sa faute dans la pitoyable affaire Monica Lewinsky ! DSK n’ a visiblement renoncé à aucune ambition politique et l’allusion au possible piège dont il aurait été victime lui permet d’entretenir le soupçon tout en se cherchant un formidable alibi. Ni Arnaud Montebourg, ni ses amis politiques qui l’attendaient en 2012 comme le sauveur, n’ont eu droit à une demande de pardon. Mais il est vrai que cette démarche requiert une bonne dose d’humilité dont il est visiblement dépourvu.

Deuxième manquement, celui des journalistes. Cette interview de dimanche n’en était évidemment pas une et Claire Chazal, l’amie de la famille Strauss-Kahn, n’aurait pas dû accepter de le recevoir dans son journal télévisé, sauf à penser que c’est DSK lui-même qui l’a exigée comme interlocutrice. Pour le bon équilibre des choses, on aurait pu imaginer que Nafissatou Diallo et Tristane Banon disposent aussi l’une et l’autre de vingt minutes pour s’expliquer. Mais il ne faut pas rêver ! Et pendant ce tohu-bohu du microcosme, les Syriens pouvaient bien tomber sous les balles, ou la Palestine s’essayer à naître comme un État à part entière, la France avait d’autres préoccupations autrement plus essentielles ! Et les journalistes ne peuvent pas être partout !

Reste l’opinion publique elle-même qui a manqué l’occasion de la dignité. Après les épisodes du printemps, elle avait exprimé son ras-le-bol. Mais voilà, la tentation était grande dimanche soir de regarder. Non, l’opinion n’est hélas jamais blasée des faits les plus nauséabonds. Et d’ailleurs, les chaînes de télévision le savent bien qui auraient toutes payé très cher pour capter les quelque 13,5 millions de téléspectateurs rivés au petit écran.

La tournée d’adieu de DSK n’est malheureusement pas terminée et on aura droit à d’autres « leçons » de l’économiste qui prône maintenant des recettes à la crise, qu’il n’avait jamais exprimées quand il était aux affaires !

Si le triple A est la meilleure note que les entreprises ou États peuvent obtenir des agences de notation, le comportement de DSK avec la complicité du système médiatico-politique ne mérite décidément pas mieux que le triple X attribué aux mauvais films du genre.

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