Questions à… Xavier Breton

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Par La Voix de l'Ain

Questions à… Xavier Breton, parlementaire« Il faut faire de la lutte contre la pénibilité au travail un projet et non une contrainte »La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a adopté mardi 27 mai, le rapport d’information sur la pénib

« Il faut faire de la lutte contre la pénibilité au travail un projet et non une contrainte »

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a adopté mardi 27 mai, le rapport d’information sur la pénibilité au travail. Onze parlementaires ont directement participé à ces travaux. Xavier Breton, député de l’Ain, était l’un d’eux. Vous êtes parvenus à vous mettre d’accord sur une définition de la pénibilité au travail. Quelle est-elle ? « Le rapporteur propose la définition suivante : « La pénibilité au travail est le résultat de sollicitations physiques ou psychiques qui, soit en raison de leur nature, soit en raison de la demande sociale, sont excessives en regard de la physiologie humaine et laissent, à ce titre, des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé et l’espérance de vie des travailleurs ».
Pourquoi était-il si important de définir cette notion ? « Avant de vouloir traiter de l’enjeu de la pénibilité, il est essentiel de se mettre d’accord sur ce qu’est la pénibilité. Ce rapport en propose donc une définition qui me semble claire et concrète. Les partenaires sociaux qui peinent à s’entendre sur les termes d’une définition commune peuvent maintenant s’en saisir ou pas. Mais s’ils pensent que cette définition pose problème, il va falloir qu’ils argumentent. »
Ce travail sur la sémantique n’allait donc pas de soi… « Non, c’est une notion difficile à circonscrire parce qu’il faut distinguer ce qui est objectif et ce qui est subjectif. Le stress n’y est par exemple pas inclus. Mais la définition est ouverte puisqu’elle relève aussi bien les sollicitations physiques que psychiques. C’est le caractère excessif de ces sollicitations qui déterminera ensuite la pénibilité. Il faut que ce soit mesurable. Mais on n’en est qu’au début… La pénibilité est un terme relativement récent. Dans le domaine législatif, il est apparu pour la première fois en 2003. Quant à la plus ancienne trace de ce mot, elle remonte à 1952, dans une édition du journal Le Monde. »
Dans ce rapport, il y a plusieurs mesures chocs, comme offrir aux travailleurs ayant eu une carrière pénible, la possibilité, à partir d’un certain âge, de réduire leur temps de travail sans perte de salaire. Ce n’est pas un peu à contre-courant des idées de la majorité gouvernementale ? « Non. Il y a trois formes de compensation possibles. La première est financière, on achète la pénibilité. La deuxième, c’est les départs anticipés à la retraite. Là, nous sommes vraiment à contre-courant par rapport à la réforme des retraites. La troisième, c’est celle que nous avançons. L’intérêt, c’est de permettre à des actifs de continuer à travailler mais en aménageant leur temps de travail. En contrepartie, il va falloir qu’il y ait un vrai effort de fait pour l’emploi des seniors. Je précise que l’hypothèse de la retraite anticipée n’est pas fermée dans certains cas ».
Autre mesure forte que le collectif de médecins burgiens appelle de ses vœux : la réforme des CHSCT et de la médecine du travail. Quelles pistes avancez-vous ? « Il faut faire de la lutte contre la pénibilité un projet et non une contrainte. C’est pourquoi je privilégie les mesures incitatives plutôt que les sanctions. D’abord, il faut véhiculer un message : il y a un intérêt économique évident à s’emparer de ce thème. Certains secteurs souffrent d’une mauvaise image. Il faut donc qu’ils se saisissent de ce sujet à bras-le-corps pour, de nouveau, attirer les jeunes. Le BTP a très bien su le faire. Il faut ensuite renforcer le rôle et la présence des CHSCT. Le rapport propose de sanctionner financièrement les entreprises qui ne joueraient pas le jeu. En ce qui concerne les PME, il faudra faire confiance aux branches professionnelles. Ici, un système de sanction ne marcherait pas. C’est aux branches de s’emparer de ce sujet. La mission propose aussi de créer un carnet de santé du travailleur. C’est une demande des partenaires sociaux. Les travailleurs auraient un carnet où seraient inscrites toutes les pénibilités qu’ils auraient rencontrées au long de leur carrière. »
Quelle suite va être donnée à ce rapport dans les mois à venir ? « Il va être transmis au gouvernement et aux partenaires sociaux pour être intégré dans le calendrier. Soit nous aurons une loi sur le sujet. Mais je n’y crois pas. Et puis ce serait trop tôt. Soit les notions définies seront reprises et intégrées dans différentes lois en cours de préparation, comme les retraites… C’est à mon avis beaucoup plus probable.
Ce rapport est en tout cas important. C’est le premier de la part de parlementaires sur ce sujet. Il symbolise donc une prise de conscience, une reconnaissance aussi du caractère pénible d’un travail et appelle à des mesures de prévention forte. »
Propos recueillis par Nicolas Bernard

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